Toujours dans les Hauts-de-Seine, le 3 novembre, une poste est braquée. La police a identifié des suspects, mais il lui faut déterminer techniquement leur présence à l’heure et sur les lieux du crime. Identification géographique des données de connexion des mobiles des voyous refusée.
Cette intransigeance de la justice fait le quotidien des unités d’investigation de la police et de la gendarmerie depuis bientôt un mois. En cause: deux arrêts pourtant prévisibles de la Cour de cassation en date du 22 octobre dernier. Les sages ont, ce jour-là, restreint la possibilité de localiser les téléphones portables aux seules enquêtes diligentées par les juges d’instruction(nos éditions du 29 octobre). Le parquet n’a donc plus le droit de faire géolocaliser les appels des suspects dans le cadre des enquêtes préliminaires dont il a la charge.
«Songez que les seules demandes de géolocalisation en temps réel, pour suivre en direct les déplacements des suspects dans les affaires de stups, de banditisme ou de terrorisme dépassent les 13.000 par an», révèle au Figaro un haut fonctionnaire de la place Beauvau.
La Cour de cassation a estimé que «la géolocalisation constitue une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle du juge». En clair: le procureur de la République, rattaché à l’exécutif, n’a pas l’indépendance requise. Cette décision remet en cause ce qui fondait en partie la stratégie des années Sarkozy, où les pouvoirs du parquet et donc de la police lorsqu’elle agit d’initiative, avaient été renforcés pour augmenter leurs chances de succès face au crime.
La ministre de la Justice allait-elle s’en plaindre? Christiane Taubira, au contraire, a souhaité aller encore plus loin, en recommandant par écrit le 29 octobre à tous les tribunaux de France d’étendre l’interdiction à tous les cadres d’enquête du parquet: non seulement l’enquête préliminaire, mais aussi l’enquête de flagrance, celle pour recherche des causes de la mort, disparition ou recherche d’un fuyard.
Comme si cela ne suffisait pas, elle a ajouté l’interdiction pour les parquets de recourir à tous les «dispositifs dédiés», comme les balises placées sous les véhicules des voyous pour les suivre à la trace et espérer les prendre sur le fait. Là aussi, des milliers d’actes par an pour plusieurs centaines de balises qui tournaient H24 dans les services.
L’interdiction version Taubira s’étend également de fait aux dispositifs installés par les constructeurs des voitures pour aider à les retrouver en cas de vol. «Or une voiture volée peut servir à commettre un hold-up. S’empêcher de la géolocaliser en préliminaire, c’est s’interdire d’arrêter les braqueurs en flagrant délit», déplore Patrice Ribeiro, le patron de Synergie-officiers.
Bien sûr, il est écrit que les enquêtes nécessitant ces moyens de géolocalisation pourront basculer en information judiciaire. «Mais on ne va tout de même pas saisir un juge d’instruction à chaque fois qu’il faudra géolocaliser un téléphone ou une voiture», réagit un éminent juge du pôle antiterroriste parisien.
Le secrétaire général du syndicat des commissaires, Emmanuel Roux, s’interroge: «Quel juge d’instruction ou même des libertés va autoriser à géolocaliser un véhicule alors que les éléments permettant d’incriminer les malfaiteurs seront obtenus uniquement grâce à la géolocalisation?» À l’entendre, «au départ, les services n’ont que très peu d’éléments objectifs de suspicion quand ils réclament une géolocalisation».
Un haut magistrat renchérit: «Imaginez un père qui, très énervé, part avec son tout jeune fils. La mère appelle la police et craint qu’il ne franchisse la frontière avec l’enfant. Les enquêteurs peuvent géolocaliser le mobile du suspect bien plus vite en préliminaire. Pour vérifier qu’il ne se dirige pas vers l’étranger. Mais s’il est seulement parti au McDo du coin, de quoi aura-t-on l’air si nous avons saisi un juge d’instruction? Nous serons ridicules.»
La Cour de cassation a dit le droit. La police reste aux prises avec la réalité et demande au Parlement de trouver en urgence une issue à cette minicrise qui pourrait conduire à l’annulation de nombreux dossiers si la place Vendôme tergiverse. »
Source : Le Figaro.fr, article en date du 20/11/2013.
Encore une mesure merveilleuse pour les voyous. Sans parler des urgences relatives à des personnes voulant mettre fin à leur vie : situations où les forces de l’ordre ont besoin d’avoir très très rapidement une géolocalisation.
Arrêtons de nous cacher derrière cette « ingérence dans la vie privée ». On parle de policiers, de Procureur de la République… pas de personnes voulant faire joujou avec des écoutes… non mais sérieusement…